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écrivain débutante

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8 mai 2012

Combat de toute une vie

 

                               Combat

                                           de

                                              toutes

                                                      une

                                                           vie

 

 

Félicitations! C’est une petite fille.

 

Le jour de ma naissance fut pour mes parents le plus beau jour et le plus triste de leur vie...

 

Avez-vous choisi le prénom de votre fille?

Oui. Elle s’appellera Ange. Car c’est un véritable cadeau de Dieu.

Blottie dans les bras de ma mère, mon père à nos côtés, je gazouillai à l’annonce de mon prénom, comme pour exprimer mon consentement. Mes parents se mirent à rire de bon cœur. Des larmes de joie inondèrent leurs yeux.

 

Mes parents essayèrent pendant plus de deux ans d’avoir un enfant. Ils consultèrent plusieurs spécialistes et ma mère dut prendre maints traitements hormonaux pour favoriser la venue d’un nouveau-né, sans aucun succès. Après une batterie de tests, les médecins déclarèrent ma mère stérile. Suite à cette nouvelle bouleversante et se refusant d’y croire, ils espérèrent toujours, en vain. Quelques mois plus tard, ma mère eut un retard dans ses menstruations. Mon père, cet après-midi-là, rentra exténué de son travail. Il découvrit le petit cadeau que ma mère déposa à son attention sur la table. Il contenait à l’intérieur un test de grossesse indiquant « positif. » Depuis ce jour, mon père prit soin de ma mère comme d'une reine jusqu’à ma venue au monde. La grossesse se déroula sans encombre, personne ne se douta qu’une telle pathologie apparaîtrait un jour dans notre famille.

 

Deux mois après ma sortie de la maternité, l’hôpital appela mes parents afin d’effectuer un nouvel examen: « le test de la sueur. » Au vu des résultats, l’hôpital convoqua mes parents. Le cœur battant et anxieuse, ma mère se rendit, seule, au rendez-vous. Dans la salle d’attente, son angoisse augmentait au fur et à mesure que les minutes défilaient. La tension qui s’installait doucement me terrifiait. Je me mis à pleurer, au moment où le médecin nous appela dans son bureau.

Bonjour, Madame. Je vous en prie, installez-vous.

Ma mère prit place sur une des chaises en face du bureau. La pièce était petite et des illustrations de poumons et médicaments recouvraient les murs blancs. Contre l’une des cloisons se trouvait une table d’auscultation, disposée près d’un mannequin dont seul le haut du corps était représenté. Le médecin, d’une quarantaine d’années, avait des cheveux courts grisonnants. Une fine paire de lunettes trônait sur son nez, masquant légèrement de petites rides aux coins de ses yeux bleu azur.

Alors! Je vous ai faite venir ici car, lors du dernier examen de votre fille, « le test de la sueur », nous avons découvert une certaine pathologie. Nous aimerions savoir si des cas similaires ont déjà été diagnostiqués au sein de votre famille. Les résultats démontrent qu’Ange est atteinte de mucoviscidose.

La gorge serrée, ma mère essaya de garder son sang-froid face à cette situation délicate. Les yeux brillants et inquiets, elle regarda le docteur dans les yeux:

Je n’ai connu mes parents que très peu de temps et je n’ai plus de famille vivante à ce jour. Mon mari n’a aucun cas similaire dans sa famille. Qu’est-ce qu’est cette maladie?

Cette pathologie touche plusieurs organes. Il se peut que votre fille soit victime d’un trouble de la croissance qui peut être lié à cette maladie. Les cas les plus fréquents sont un dysfonctionnement des voies respiratoires et du pancréas, provocant des troubles digestifs. L’anomalie d’une protéine empêche la régularisation du chlore dans les membranes cellulaires. Ce qui provoque l’apparition de mucus dans les voies respiratoires et une difficulté à respirer comme une personne en bonne santé. Les traitements, de nos jours, sont devenus très élaborés et des recherches pour de nouveaux soins sont en cours. Nous allons devoir effectuer des examens plus poussés chez Ange.

Faites ce que vous pouvez mais soignez ma fille, s’il vous plaît!

Je dois vous prévenir que cette pathologie n’est pas récidive. Elle se dégradera au fil du temps. Avec les années, la santé de votre fille se détériora progressivement.

Des larmes coulaient sur les joues de ma mère. Elle essaya tant bien que mal de retenir les sanglots qui la submergeaient. Sentant le désespoir que dégageaient ses larmes, je ne pus retenir les miennes. La salle d’auscultation fut baignée par un halo de tristesse en quelques secondes.

Le soir, ma mère exposa à mon père le compte rendu de son rendez-vous à l’hôpital. Assis sur le canapé du salon, me tenant dans ses bras, il se mit à pleurer, des pleurs désolés et déchirants, à l’annonce de cette triste réalité. Ils m’enlacèrent un peu plus encore.

Nous serons toujours là pour toi, Ange. Toujours là!

 

Toute mon enfance, je la passai entre la maison et l’hôpital. J’eus des cures d’antibiotiques régulièrement, qui nécessitèrent une hospitalisation de deux semaines à chaque fois. Durant ma primaire, je n’allai pas très souvent à l’école. Mes absences, je les rattrapai avec les professeurs charger de mon maintient scolaire durant nos séjours. Mes parents venaient chaque jour après leurs travails respectifs. Les voir repartir tous les soirs me déchirai le cœur et le leur aussi. Je ne passai que quelques heures avec eux par jour. Ils souffraient de voir à quel point je ne supportai plus les perfusions. Tous les deux jours, les infirmiers venaient changer l’aiguille et me repiquer dans l’autre bras. Je souffris et paniquai quand une bulle d’air logée dans le tuyau arriva au contact de ma peau, la douleur que cette dernière me provoqua ravagea un peu plus le cœur de mes parents. Ils firent tout leur possible pour trouver une solution afin de me soulager.

Il existe des chambres implantables qui permettent de ne plus avoir de perfusion intraveineuse. C’est un petit réceptacle en caoutchouc que l’on introduit sous la peau au niveau de la poitrine, avec de fins tuyaux reliés aux veines pour les injections. Ce systeme permet aussi d’effectuer les cures à domicile, de se déplacer librement et de continuer l’école. Le gripper, introduit dans le réceptacle, peut être changer qu'une fois par semaine. Une infirmière vient à la maison préparer la solution à administrer dans une poche portative tous les jours durant la cure.

Mais les médecins ne voulurent pas me proposer cette solution. Mes parents durent les supplier pour que mon calvaire soit apaisé. À l’âge de dix ans j’eus ma première opération.

 

Les années passèrent et ma santé se dégrada de plus en plus. Je ressemblai à ma mère à chaque instant au même âge qu'elle. Un visage arrondi, les yeux verts et des cheveux châtain clair tombant sur les épaules, sans oublier un caractère bien trempé. La seule différence qui nous distinguait entre elle et moi, était ma cicatrice située sur mon sein droit.

Suite à un examen de routine, les médecins découvrirent que j’avais du diabète. Ce fut un nouveau choc pour moi, un dur moment à passer une nouvelle fois. Mes parents, au courant que cela pouvait se produire un jour, ne m’en avaient jamais informée.

Lassée par tout cela et en pleine crise d’adolescence, je n'égligeai la prise de mes traitements. Je refusai de croire à cette nouvelle qui aggrava un peu plus mon état de santé.

Durant cette période difficile, on se chamaillait beaucoup avec ma mère, et je lui dis des choses dures.

ANGE!

Pourquoi m’as-tu mise au monde? Tu aurais dû m’abandonner ou même avorter! Un cadeau de Dieu, tu veux rire! Je te fais souffrir et je souffre aussi. Crois-tu que cette vie la me plaît?

Ange! Tu n’as pas le droit de me dire ces choses-là! Je t’aime! Je suis navrée de ce qui t’arrive. J’ai demandé à Dieu un enfant et il me l’a accordé. Si j’avais su que tu souffrirais autant…

Nous en arrivions toujours à la même conclusion dans ces moments-là. Nous fûmes toutes les deux en pleurs. Personne ne put nous consoler.

Pendant toutes ces années d'insouciance et de rébellion, mon état de santé se détériora considérablement. Je fis des études de cuisine et en ressortis diplômée. Je travaillai pendant quatre ans avant d’arrêter car ma santé ne me le permettait plus. Mes cures d’antibiotiques se rapprochaient toujours un peu plus. Mon diabète non contrôlé n’arrangeait pas les choses. Je fus hospitalisée pour reprendre du poids par une sonde nasaux-gastrique que l’on m’installa ainsi qu'une pompe à insuline.

Pendant mes études je fis la rencontre de Marc. Un garçon adorable, de grande taille et au corps bien sculpté, par des muscles fins mais bien dessinés. Ses yeux bleu azur, dissimulés par une fine paire de lunettes, agrémentaient son visage fin d'une certaine douceur. Depuis ce jour, nous fûmes ensemble. Il ne me repoussa pas en apprenant que j'étais atteinte de mucoviscidose.

Marc travaillait dans le bâtiment. Il se renseigna auprès de moi pour mieux connaître les conséquences de cette maladie sur mon organisme. Depuis notre rencontre, j’avais trouvé une raison de me battre.

Nous vécûmes six ans en couple dans une petite maison en compagnie de nos chiens. Je souhaitai fonder une famille et le projet d’un enfant s'introduisit doucement dans nos conversations.

Je décidai d’en parler aux médecins lors de mon prochain rendez-vous à l’hôpital.

Avez-vous des questions?

Oui. Avec Marc, nous commençons à parler enfant. Puis-je mettre au monde un enfant dans l’état dans lequel je suis?

Ah! Désolé mais au vu de votre état de santé, il est impensable que vous mettiez au monde un enfant, sans que cela ne soit un danger pour lui et surtout pour vous! Votre capacité pulmonaire de 33 % ne supportera pas une grossesse. Vous vous épuiserez trop rapidement.

Les idées noires m'envahirent de nouveau l'esprit en quelques secondes. L’annonce me dévasta, mes yeux se vidèrent de toute lueur d'espoir. Mon seul et unique rêve, celui d’enfanter, venait d’être détruit en quelques mots. Je pris sur moi et mentis à Marc. L’envie d’avoir un bébé dans mes bras fut plus forte que tout. Il se réjouit et me serra dans ses bras. Je me sentis pathétique et honteuse. Cacher la vérité pour arriver à mes fins, c’était la pire chose que je puisse faire. Surtout que je connaissais les conséquences que cela pouvait engendrer.

 

Quelques mois plus tard, j’appris que j’attendais un heureux événement. Mes parents s’inquiétèrent mais Marc rayonnait de bonheur.

Mon état déjà fragile s’aggrava de plus en plus vite. Les cures d’antibiotiques furent rapprochées. Réduites à une fois par mois au lieu d’une fois tous les deux mois. Je passai mes journées seule à la maison, mon encombrement pulmonaire m’empêchant de faire de grands déplacements. Je perdis de nouveau du poids. Une nouvelle sonde nasaux-gastrique orna ma narine. Chaque soir, lorsqu'il rentrait, Marc sentait sa gorge se serrer lorsqu'il posa son regard sur moi. Je ne pus l’aider à amménager la chambre de notre fille.

Mon ventre rebondi n'atteignit pas à la taille prévue pour cinq mois. Les médecins s'inquiétèrent pour la survie de la petite. Ils me proposèrent une greffe de poumons prévue après l’accouchement. Marc me soutint du mieux qu’il put. Mais mon moral était en chute libre depuis l’annonce du médecin. Je refusai de voir un psychologue. J’inquiétai mon entourage qui ne sait plus comment réagir face à moi.

Les mois passèrent. Mon état devint critique pour la survie de l’enfant et pour moi-même. Je respirai avec l’aide d’un respirateur artificiel et n’avais plus d’appétit. On me fit hospitaliser d’urgence. À un peu plus de huit mois, les médecins proposèrent une césarienne pour me soulager et sauver l’enfant. Marc venait me voir tous les soirs après le travail, la mine fatiguée, des cernes soulignaient ses yeux, de son visage amincit. Il était à bout de forces.

Tout cela était de ma faute.

Bonsoir mon cœur. Comment te sens-tu?

Fatiguée, mon amour. Ils prévoient une césarienne pour mercredi. Et toi tu es tout maigre et tes yeux sont tout cernés. Je suis désolé, mon trésor, pour tout ces soucis.

Ne t’inquiète pas pour moi, mon cœur. Repose-toi afin d'être en forme pour l’arrivée de notre fille.

Les yeux humides, il passa sa main sur ma joue et je m’assoupis sous ses caresses.

Ce fut un succès: Notre fille arriva en bonne santé et avait de bonnes chances de s’en sortir. Elle resterait en couveuse deux semaines, le temps de prendre un peu de poids. Nous lui donnâmes comme prénom Léna.

Mon état ne s’améliora pas pour autant après sa venue au monde. J’attendais toujours une greffe. Dans un état second, un respirateur artificiel remplaça mes poumons. Je fus continuellement perfusée. Ma nutrition passa en continu aussi. Je ne pouvais bouger sans provoquer de grosses quintes de toux. Chaque mouvement était un supplice.

Un mois s’était écoulé depuis la venue au monde de Léna. Marc me l’amenait tous les soirs pour que je puisse voir sa petite frimousse quand je ne dormais pas. Je ne pus supporter cette vie.

Cela devint trop douloureux.

Mon cœur… promets-moi de prendre soin d’elle. Occupe-toi de notre fille.

Ne dis pas ça mon amour. Nous l’élèverons ensemble.

Non mon cœur… laisse-moi partir, je t’en prie. Fais-le pour moi, éteins cette machine. Libère-moi de cette souffrance, je ne la supporte plus.

Marc regarda la machine à respiration artificielle. En voyant les mouvements de balancier qu’effectuaient les accordéons, et le regard suppliant, rempli de tristesse d'Ange, il réalisa le vœu de sa bien-aimée après un dernier baiser sur son front.

Ferme les yeux mon cœur. Je t’aime, Ange, je prendrais soin de Léna en ton absence.

Merci, Marc. Je t’aime, ne me rejoins pas maintenant. Ne sois pas triste, mon cœur.

Dans un dernier effort, j’embrassai Léna et pris la main de Marc dans la mienne. Un sourire rempli de tristesse orna mes lèvres.

Marc appuya sur le bouton, la vision troublée par les larmes tombant sur ses joues, il me regarda m’endormir en silence. Ce fut rapide et sans douleur. Il ralluma la machine et appela les infirmières qui arrivèrent trop tard.

 

Dix ans plus tard…

 

Marc et Léna vinrent se recueillir sur ma tombe chaque année, le jour de mon anniversaire. Ils y déposèrent une rose rouge chacun. Sur ma pierre, on pouvait lire: « Une femme merveilleuse qui a réalisé son plus grand souhait. »

De l’au-delà, je veillai sur eux. Je regardai Léna grandir. Elle me ressemblait avec ses cheveux châtain et son visage arrondi. Elle prit de son père, ses yeux d'un bleu profond et cet air adouci. Ils se débrouillèrent bien, tous les deux.

Étant rassurée, je pus partir en paix.

Regarde Maman! Je t’ai apporté une rose. Papa m’a promis de m’emmener manger une glace. À l‘école, il y a un garçon très gentil. Il s’appelle…

Marc regarda dans le ciel bleu où de magnifiques nuages blancs entreprenaient une danse. Il se mit à sourire comme s'il me distingua dans cette étendue bleue qui défilait devant ses yeux.

Je t’aime, ma chérie. Je prends soin de Léna, ne t’inquiète pas, mon cœur.

Je peux vraiment partir en paix à présent.

 

Je vous aime, mes amours. Prenez soin de vous.

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                      Laclown

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